dimanche 21 octobre 2012

Mariages religieux et civil

[…] Au lieu  de seulement s’offusquer, l’Eglise catholique ne devrait-elle pas prendre acte de cette évolution de façon positive en en profitant pour promouvoir l’autonomisation totale du mariage religieux et en lui restituant la faculté d’être célébré sans être précédé par un mariage civil, ce qui est actuellement le cas ? Ce mariage religieux n’aurait, évidemment, aucun effet civil et ne constituerait, aux yeux de la loi, qu’une « union libre », au même titre que d’autres. Quant aux Eglises, notamment l’Eglise catholique, elles en définiraient les conséquences spirituelles de façon tout aussi autonome que lorsqu’elles accordent l’absolution des péchés qui n’a, on le sait aucune conséquence dans la sphère civile ou pénale. On peut être absous par un prêtre et condamné par un tribunal. […]
Aujourd’hui, le mariage civil peut encore apparaître à certains comme une propédeutique du mariage religieux. On gagnerait à ce que chacun de ces deux engagements se déploie dans sa sphère propre, sans aucune interférence de l’autre. L’institution du mariage civil, en 1792, puis sa consécration par le code civil de 1804, reprenait très largement les principes généraux du mariage religieux, tout en ébranlant d’emblée l’une de ses caractéristiques, l’indissolubilité, par l’institution du divorce, d’abord présentée comme une faculté exceptionnelle, difficile à mettre en œuvre. Cette faculté devint, grâce aux adaptations successives du droit, du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, un droit dont la pratique est plus facile et moins dramatique. Aujourd’hui, l’indicateur de « divortialité » s’établit d’ailleurs à 522 divorces pour 1000 mariages et concerne autant les mariages qui ont été consacrés par un acte religieux que les autres, mettant ainsi le doigt sur la fragilité des rituels sacramentels par lesquels les époux s’engagent » pour la vie ». N’appartiendrait-il  pas de ce fait à l’Eglise catholique de reconsidérer un jour sa doctrine sur le mariage en reconnaissant le caractère autonome de la vie sexuelle par rapport au seul projet de procréer et en prenant acte de la possibilité pour un même individu de vivre, au cours de son existence, plusieurs unions équilibrées et sincères … en un mot dédramatiser le mariage et la vie sexuelle ? A terme, l’union religieuse ne devrait-elle pas se limiter à une bénédiction et non plus à un sacrement au même titre que le baptême, l’eucharistie ou la rémission des péchés ? Ce qui constitue d’ailleurs la position de beaucoup d’Eglises issues de la Réforme protestante. […]
Jean-Jacques Aillagon. Que les mariages religieux et civil divorcent. Libération, 15 octobre 2012.

L'enseignement des matières artistiques

[…] Ce sont [les matières artistiques] qui permettent à l’enfant de développer ses capacités d’invention, d’adaptation, d’initiative. Elles qui permettent de développer et de construire une sensibilité propre, de dépasser le « j’aime / j’aime pas » ou le « c’est pas beau / c’est beau ». Elles encore qui permettent d’éduquer un regard, d’apprendre à voir, à qualifier, à nommer, à relier. Elles qui permettent d’accéder au sens, à l’imaginaire, au symbolique. Elles enfin qui permettent, dans une société où la culture de l’image publicitaire et télévisuelle est omniprésente, de dépasser les pièges de la fascination et d’abandonner un regard naïf pour un regard critique et éclairé. C’est à travers l’expression de ses aptitudes artistiques que l’enfant apprend à mieux identifier qui il est, et donc à se choisir une autre vie que celle imposée par un déterminisme social ou familial. Pour l’enfant, créer c’est se réinventer, et c’est finalement la capacité de choisir sa vie. […]
Jean-Xavier De Lestrade, Télérama 3272, 26 septembre 2012