dimanche 15 mai 2011

La fuite du temps

On avance tout d’abord avec l’insouciance de la première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, nous apparaît immense, et dont les croisées ne nous procurent aucun doute, où les années s’écoulent lentes et légères, dont on ne s’aperçoit nullement de leur fuite.
On chemine avec insouciance, sans s’en faire, avec une curiosité que tout invite autour de soi. Nul besoin n’est de se hâter, derrière vous, il n’est personne qui vous presse, ni devant vous attend. On aime à s’arrêter souvent, se livrant mollement à la paresse.
Du seuil de leur demeure, les grandes personnes font des signes amicaux et montrent l’horizon d’un sourire complice ; votre coeur résonne alors, et commence à palpiter de frissons héroïques et tendres. Goûter l’espérance des choses merveilleuses, là, un peu plus loin ; on les ignore encore, mais on sait leur présence, convaincu que demain on les aura rejoint.
Est-ce encore long ou est-on arrivé ? Franchir ces collines, un fleuve à traverser puis l’on découvre ces prés tant de fois rêvés. Un instant, on voudrait enfin s’y arrêter. Mais l’on vous dit que, plus loin, c’est encore mieux. Alors on se remet en route, plein d’espoir. On poursuit son chemin, aucunement anxieux. Le soleil se couche à regret quand vient le soir.
Mais, à un certain point, presque instinctivement, on se retourne et l’on voit que derrière soi un sombre portail s’est refermé lourdement. Mais on ne ressent alors qu’un léger émoi.
Bien des jours passeront avant de bien comprendre que le temps passe et que la route doit s’arrêter. Déjà le soleil ne semble plus vous attendre, les nuages si placides semblent se hâter.
On commence alors à sortir d’un long réveil. On entend derrière soi un piétinement, le pas pressé des gens sortis de leur sommeil  et qui courent, inquiets, pour vous passer devant.
Aux fenêtres, les visages sont devenus comme immobiles, graves et indifférents. Et comme vous dites que vous êtes perdu,  ils vous montrent l’horizon, mais d’un geste lent.
Enfin, brutalement, une mer apparaît, démesurée, immobile, couleur de plomb. C’est l’épuisement qui se ressent désormais. Le long du chemin, presque toutes les maisons ont leurs fenêtres fermées et leur porte close. Mais où sont le bonheur, l’amour et la sagesse ? De rares personnes vous répondront, moroses : vous êtes passé devant à toute vitesse, ce que vous cherchez est maintenant en arrière et il est trop tard pour revenir sur vos pas. Au loin, la multitude gronde et s’agglomère, poussée par la même illusion d’un rêve plat.
Pour la dernière fois, viennent à toi, dans la nuit, les douces images d’un monde totalement heureux. Gare à toi, si tu pouvais te voir, tel que tu seras un jour, là où finit la route, arrêté sur la rive de la mer de plomb, sous un ciel gris et uniforme, et sans une maison, sans un arbre, sans un homme alentour, sans même un brin d’herbe, et tout cela depuis des temps immémoriaux.

Vous aurez sans doute reconnu une - très - libre adaptation du rêve de Giovanni Drogo, qui attendit toute sa vie les tartares et qui décida finalement de cesser de les attendre le jour où ils arrivèrent.
Ce rêve n’évoque-t-il pas le sablier, qui rappelle à l’homme la fragilité de la vie matérielle, la fulgurance de l’existence humaine en rapport avec les valeurs éternelles vers lesquelles il devrait toujours tendre. Par la lente chute des grains de sable, il  égrène un à un les instants de la vie ; il souligne l’épaisseur et la réelle profondeur de chaque instant ; il rejette dans le passé un vécu qui révèle soudain sa vrai dimension.
Il rappelle à l’homme le coût inexorable du temps qui passe et surtout l’invite à chercher ailleurs - dans un regard porté plus loin - une vraie définition de la vie.

22 janvier 2003

samedi 7 mai 2011

Je m’habille de vent et me couvre au soleil.
J’arpente les sables dont les soies sont des rides
Et le soir, seuls mes yeux humides m’émerveillent.
Plus profond qu’un océan quand le jour s’épuise,
Mon désespoir aride est une terre avide.

Le matin, tandis que les étoiles s’enlisent,
Ma veste murmure un chant qui s’éloigne, triste
Comme un jour qui naît comme tous les jours qui gisent.
Quand une fumée bleue me couvre de son or,
Mon malheur s’étiole, mais mon regard s’attriste.

Sylvester Engbrox - Mon patchwork


Sylvester Engbrox est né en 1964 à Kleve en Allemagne.
Il est admis à l’école des Arts décoratifs qu’il quitte en 1986 pour venir s’installer à Paris.
En 1991, il est diplômé de l’école nationale supérieure de photographie à Arles. Correspondant pour deux magazines allemands le Select  et The Manipulator. Il revient à la peinture dans les années quatre-vingt dix.
Chargé de la photothèque au cabinet de photographies anciennes du musée Rodin, il crée parallèlement jusqu’en 2004
« J’ai commencé par couper dans la presse, des prospectus de vacances, ou des magazines de télévision, d’importantes quantités d’images pour les classer selon une typologie inventée. Cette partie du travail passe, aujourd’hui, par Internet et par mes propres archives photographiques. Ce catalogage parfaitement inutile d’un monde représenté ne clarifie rien : plus on voit d’images, moins on comprend. Mais ce rangement, cette perpétuelle comparaison d’une représentation avec une autre finit par créer des ponts entre certaines d’entre elles. Parfois même, ces confrontations provoquent une nouvelle image. C’est cette image, apparue à mon insu, que je peins. Ma peinture est issue de ce classement obsessionnel. Quand un disque dur lâche, on lance un programme de reconstruction pour éventuellement sauver des données. Mes toiles, elles, tentent de réparer un espace-temps perturbé après un crash, de le redéfinir, en y imbriquant ce qu’il reste : des bouts d’images rassemblés. » Sylvester Engbrox.

vendredi 6 mai 2011

Maurizio Cattelan - Not afraid of love, 2000


Interdit !

Maurizio Cattelan, issu d’une famille modeste, est aujourd’hui l’un des artistes contemporains les mieux cotés du marché. Vivant de petits boulots, Cattelan commence à travailler au début des années 1980 à Milan dans le domaine du design. Ses premières œuvres manifestent déjà son goût du détournement et de la provocation : une autruche la tête enfouie dans le sol, un happening où il se déguise en Picasso, etc.
Installé à New York au début des années 1990, Cattelan ne s’impose aucune limite. En maître de la provoc’, il brave les tabous en réalisant des sculptures en cire d’Adolf Hitler ou du pape Jean-Paul II, représenté écrasé par une météorite dans La Nona Ora (ill.). S’impliquant lui-même dans ses œuvres (il fait réaliser des portraits-robots de lui par la police, creuse sa propre tombe ou envoie son assistant répondre aux interviews), Cattelan implique également son entourage : en demandant à son galeriste parisien, Emmanuel Perrotin, de se déguiser pendant les cinq semaines de son exposition en lapin rose phallique répondant au doux nom d’« Errotin le vrai lapin », il critique explicitement et avec un certain cynisme le processus du marché de l’art. Il s’amuse à pervertir l’esthétique picturale d’un artiste conceptuel tel Lucio Fontana en entaillant une toile d’un Z à la Zorro. Récemment, l’artiste a créé un magazine, Permanent Food, constitué d’images volées à d’autres magazines, et ouvert une galerie à New York, la Wrong Gallery, toujours fermée et où rien ne se vend.
Maurizio Cattelan vit et travaille à Milan et New York. Il est représenté en France par la galerie Emmanuel Perrotin, Paris.

Paul Delaroche - L'exécution de lady Jeanne Grey en la tour de Londres, l'an 1554


Paul Delaroche, élève d'Antoine-Jean Gros, débute au Salon de 1822, où son talent est remarqué par Théodore Géricault. Il y expose ensuite régulièrement des scènes historiques : Filippo Lippi et Lucrezia, Jeanne d’Arc (1824), La Mort d’Elizabeth d’Angleterre (1827).
Sa notoriété s'accroît à partir de 1830, avec des œuvres dont le romantisme s’arrête au sujet, pour se figer dans une facture probe et retenue, faite pour séduire la société bourgeoise au pouvoir, dite du "juste milieu". Ainsi se succèdent les scènes historiques (surtout centrées sur l'histoire d'Angleterre) à forte teneur émotionnelle : Cromwell devant le cercueil de Charles Ier, Les Enfants d’Edouard (1831), L'Exécution de Jane Grey (1834, ill.), L’Assasinat du duc de Guise (1835), ou parfois comiques, comme dans le fameux Bonaparte franchissant les Alpes (1848), qui représente l'empereur à dos de mulet, antithèse de la toile de David.
Entre classicisme (notamment par le réalisme des détails propre à la peinture de genre et le fini parfait du style) et romantisme, Paul Delaroche est entraîné vers l’académisme dans ses tableaux de chevalet comme dans ses décorations murales, en particulier celui peint pour l’hémicycle de l’école des Beaux-Arts (1837-1841), qui rassemble les plus grands artistes et penseurs depuis l'Antiquité. Ses tableaux religieux (La Jeune Martyre, 1855 ; Sainte Véronique, 1856) et ses portraits (Louise Vernet, femme de l'artiste, sur son lit de mort, 1854) font son succès.
Les œuvres de Paul Delaroche connurent une large diffusion au XIXe siècle grâce à la reproduction, gravée ou photographique, à laquelle s'adaptait parfaitement son art, soucieux de l’exactitude historique du décor et du costume.

dimanche 1 mai 2011

Des photos qui ont changé la face du monde (vraiment ?)

Kevin Carter, 1er mars 1993

Cette photo de Kevin Carter a gagné le Pulitzer : un vautour regarde un enfant mourant de faim, luttant pour atteindre un centre de distribution de nourriture pendant la famine au sud du Soudan en 1993.
Carter faisait partie d’un groupe de quatre journalistes sans peur connus sous le nom de “Bang Bang Club”, qui voyagea à travers l’Afrique afin de capturer les atrocités commises durant l’apartheid.
Hanté par ses visions horrifiques du Soudan, Carter se suicida en 1994, peu après avoir reçu son prix. On lui reprocha de n’être qu’un second vautour sur le lieu de la photo, n’aidant pas la petite fille autrement qu’en chassant le vautour au bout de 20 minutes. Il avoua après cela avoir longtemps regretté de n’avoir pas aidé celle-ci, et expliqua que les journalistes avaient pour consigne de ne pas toucher les habitants souffrant de famine, pour éviter toute maladie.

La curiosité