dimanche 21 septembre 2014

dimanche 24 novembre 2013

Enfant des bois,

renard des prairies,

rêveurs sous la lune,

si quelqu'un commence à vous parler de Dieu,

fuyez-le.

Vous en savez plus que lui.


Christina Bobin. Les différentes régions du ciel. Le Monde des Religions, novembre - décembre 2013, p. 67

samedi 13 juillet 2013

Etienne a expliqué que lorsqu'on aime très fort celui qui part, on peut le retenir encore. Il faut occuper la maison du mort, marcher en faisant du bruit, ouvrir les portes comme on va au travail, les fenêtres comme on fait entrer le soleil. Il a dit qu'il faut parler haut, rire, choquer les couverts et l'assiette comme si le repas était en train. Il a dit qu'il faut que l'eau coule, qu'il y ait des fleurs coupées dans les vases. Il a dit que les lumières doivent éclairer les pièces, que le lit doit être défait au soir et refait au matin. Il a dit qu'il faut respirer fort pour deux. Il a dit qu'ainsi, la lampe ne se doute de rien. Elle ne sait pas la mort. Elle sommeille contre sa lucarne et l'âme reste bloquée contre le cœur éteint, jusqu'à ce qu'il soit glacé, tellement, qu'elle gèle aussi et finit par se rendre.
Sorj Chalandon - Une promesse

samedi 10 novembre 2012

Le berceau de l'intolérance

[…] j’ai en horreur tout ce qui est flagellant dans les religions. Et quelles qu’elles soient (je ne fais aucune différence entre elles), cet aspect se retrouve souvent dans celles du Livre. Je ne puis adhérer au message des religions révélées : elles sont apparues à un moment récent de l’histoire de l’humanité avec l’idée d’un dieu unique créateur, et qui ne permettait pas la coexistence ni avec les autres dieux, ni avec des systèmes de pensée animiste. A mes yeux d’anthropologue, les religions révélées, celles du Livre, sont le berceau de l’intolérance et j’allais presque dire, de l’extrême violence. Elles conduisent à des attitudes excessives où même des personnes qui ont eu la chance d’accéder à la connaissance et à la rationalité scientifique récusent celles-ci au nom de la foi. […]

Françoise Héritier, Grand Entretien in Le Monde des Religions, n° 56 novembre-décembre 2012, p. 78-81 (extrait)

dimanche 21 octobre 2012

Mariages religieux et civil

[…] Au lieu  de seulement s’offusquer, l’Eglise catholique ne devrait-elle pas prendre acte de cette évolution de façon positive en en profitant pour promouvoir l’autonomisation totale du mariage religieux et en lui restituant la faculté d’être célébré sans être précédé par un mariage civil, ce qui est actuellement le cas ? Ce mariage religieux n’aurait, évidemment, aucun effet civil et ne constituerait, aux yeux de la loi, qu’une « union libre », au même titre que d’autres. Quant aux Eglises, notamment l’Eglise catholique, elles en définiraient les conséquences spirituelles de façon tout aussi autonome que lorsqu’elles accordent l’absolution des péchés qui n’a, on le sait aucune conséquence dans la sphère civile ou pénale. On peut être absous par un prêtre et condamné par un tribunal. […]
Aujourd’hui, le mariage civil peut encore apparaître à certains comme une propédeutique du mariage religieux. On gagnerait à ce que chacun de ces deux engagements se déploie dans sa sphère propre, sans aucune interférence de l’autre. L’institution du mariage civil, en 1792, puis sa consécration par le code civil de 1804, reprenait très largement les principes généraux du mariage religieux, tout en ébranlant d’emblée l’une de ses caractéristiques, l’indissolubilité, par l’institution du divorce, d’abord présentée comme une faculté exceptionnelle, difficile à mettre en œuvre. Cette faculté devint, grâce aux adaptations successives du droit, du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, un droit dont la pratique est plus facile et moins dramatique. Aujourd’hui, l’indicateur de « divortialité » s’établit d’ailleurs à 522 divorces pour 1000 mariages et concerne autant les mariages qui ont été consacrés par un acte religieux que les autres, mettant ainsi le doigt sur la fragilité des rituels sacramentels par lesquels les époux s’engagent » pour la vie ». N’appartiendrait-il  pas de ce fait à l’Eglise catholique de reconsidérer un jour sa doctrine sur le mariage en reconnaissant le caractère autonome de la vie sexuelle par rapport au seul projet de procréer et en prenant acte de la possibilité pour un même individu de vivre, au cours de son existence, plusieurs unions équilibrées et sincères … en un mot dédramatiser le mariage et la vie sexuelle ? A terme, l’union religieuse ne devrait-elle pas se limiter à une bénédiction et non plus à un sacrement au même titre que le baptême, l’eucharistie ou la rémission des péchés ? Ce qui constitue d’ailleurs la position de beaucoup d’Eglises issues de la Réforme protestante. […]
Jean-Jacques Aillagon. Que les mariages religieux et civil divorcent. Libération, 15 octobre 2012.